Stromae, Deleuze et nous

Catherine Makereel
© Agenda Magazine
28/01/2014
(© Alice Piemme)

La scène, miroir du monde, a un fameux penchant pour la noirceur et le pessimisme mais avec Dominique Roodthooft et sa trilogie des Smatch dont voici le dernier volet, la performance opte pour un optimisme critique, comme un pied de nez au catastrophisme ambiant. Smatch [3] met la pensée en joie.

À chaque Smatch, le principe est le même : partir d’une question philosophique et l’aborder par le biais d’une science. Dans le premier volet, il était question d’éthologie pour interroger l’attente et les prophéties auto-réalisatrices. Dans le second volet, la botanique faisait carburer la réflexion sur nos certitudes. Cette fois-ci, pour le troisième volet, l’équipe de Dominique Roodthooft part de l’anatomie pour étudier la question du pouvoir. Dit comme cela, l’approche semble bigrement sérieuse, voire prise de tête, pourtant la formule aboutit généralement à un spectacle ludique, léger.

Avec la trilogie des Smatch, vous tentez finalement de briser le cercle vicieux de cette tristesse qui nous met dans l’impuissance ?
Dominique Roodthooft : Plus on est dans un trou, plus on se dit que le monde est foutu, plus on est dans l’apathie. Heureusement, j’ai l’impression que de plus en plus de gens commencent à dire qu’il faut se réinventer, retrouver des possibles. Stromae est un bel exemple : tous ses textes sont assez sombres, politiques mais dans une invention continuelle. Il transforme sa colère en quelque chose de sérieux, ce qui ne l’empêche pas d’être ludique et créatif. De notre côté, nous aimons prendre le contre-pied, ce qui nous permet de penser par nous-mêmes, de rire, d’être dans l’engagement plutôt que dans la dépression.
(© Alice Piemme)

Cette fois-ci, votre laboratoire ausculte le pouvoir et l’anatomie ?
Roodthooft : On part de l’anatomie pour interroger la force et la fragilité de notre condition humaine face aux pouvoirs qui s’exercent sur les corps comme sur les esprits. On oppose le pouvoir « sur », celui qui opprime, le pouvoir liberticide, au pouvoir « du dedans », notre puissance intérieure. Comment retrouver sur soi et sur le monde une vraie puissance, pas une puissance qui écrase mais une puissance qui s’exprime dans la joie d’être ce qu’on est, ouvert sur le monde, acceptant le multiple. La joie de la puissance au sens où Spinoza et Deleuze en ont parlé. Dans le spectacle, il est aussi beaucoup question de la mort car elle est la raison pour laquelle chacun est obligé d’exercer son pouvoir pour être le plus performant possible au cours de sa vie.

Comment affronter la réalité du monde tout en restant optimiste ?
Roodthooft : Prenons l’exemple de l’Afrique dont on nous montre régulièrement les drames à la télé. Si j’ai le choix, plutôt que d’entendre parler de cadavres, je préfère écouter quelqu’un comme ce chercheur américain en train d’inventer des lunettes perpétuelles, des lunettes qui se corrigent d’elles-mêmes, et qui refuse de vendre son brevet. J’ai vu une photo de toute une famille africaine avec ces prototypes de lunettes, énormes, sur le nez. Cette photo raconte plein de choses sur les rapports Nord-Sud. Elle raconte que tous les Américains ne sont pas mauvais et qu’il existe encore des gens qui travaillent au service commun plutôt qu’au service de l’argent. En plus c’est une image rigolote. Ça donne envie de travailler, de chercher soi-même des solutions, d’être dans la vie et non tétanisé par les horreurs.

SMATCH [3] • 30/1 > 1/2, 20.30, €13/17, KVS_Box, Arduinkaai 9 quai aux Pierres de Taille, Brussel/Bruxelles, 02-210.11.12, www.kvs.be

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