Sur les étagères: le chorégraphe Alexander Vantournhout fait parler ses objets

Gilles Bechet
© BRUZZ
18/10/2023

Cet automne, l’opportunité se présente de voir deux créations du chorégraphe basé à Bruxelles Alexander Vantournhout. Une pièce de groupe aux Halles et un solo aux Brigittines. L’occasion rêvée pour BRUZZ de s’inviter chez lui pour faire parler les objets qui peuplent son quotidien.

Qui est Alexander Vantournhout ?

— Alexander Vantournhout naît à Roulers (Flandre occidentale) en 1989 dans une famille d’artistes. Il étudie à l’École Supérieure des Arts du Cirque à Bruxelles avant d’intégrer l’école P.A.R.T.S. pour se former à la danse contemporaine. Il complète son apprentissage auprès de pédagogues internationaux

— Il fonde la compagnie Not Standing et signe plusieurs pièces comme son premier solo Caprices en 2014, ou une collaboration avec la dramaturge Bauke Lievens l’année suivante

— En 2021, il est le chorégraphe de la pièce pour cinq interprètes Contre-jour

Formé à l’ESAC et chez P.A.R.T.S, le chorégraphe bruxellois né à Roulers ne croit pas aux catégories. Fasciné par la physicalité du mouvement et par la sensitivité du corps, Alexander Vantournhout crée des spectacles qui transcendent les limites des disciplines. Comme en témoignent les objets qui vivent à ses côtés.

La collection de toupies

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| Une toupie comme source d’inspiration.

Au fil des années, j’ai accumulé une collection de toupies. Certaines viennent de Hongrie, d’autres de Suisse ou du Japon. J’en ai acheté moi-même et d’autres m’ont été offertes en cadeau.
Ce sont des objets très beaux et qui ont aussi un caractère scientifique. Même si ce ne sont que des toupies, elles mettent en œuvre des lois de la physique.

Il y en a une, par exemple qui a été dessinée par Niels Bohr, le physicien danois qui a établi les premières lois de la physique quantique. Ce que j’aime, c’est que ces formes sont toujours différentes qu’elles développent leur propre algorithme de mouvement. Une autre qu’on appelle Gömböc est le fruit de longues recherches mathématiques. C’est le seul objet au monde qui se redresse toujours de la même manière, peu importe comment il est placé au départ et je trouve ça fascinant.

J’ai étudié les sciences-maths à l’école en même temps que je faisais l’éducation physique à la VUB, et finalement j’ai lâché parce que je faisais aussi du cirque et de la danse en même temps, ce qui devenait un peu compliqué. Quand on danse, on peut aussi s’imaginer que notre corps est une sorte de toupie quand on fait des pirouettes par exemple. Avec cette toupie, c’est comme si on voyait les liquides à l’intérieur du corps parce que quand on s’arrête de bouger, les liquides corporels continuent à être en mouvement.

Quand je vois les mille et une façons que les toupies ont de bouger, ça me fascine et ça renvoie au corps où quand on descend le centre de gravité, le mouvement s’accélère. Le solo que je vais présenter aux Brigittines est construit autour de mouvements tournants et on retrouve les mêmes principes physiques dans le patinage sur glace, par exemple.

L’homme Circassien de Johann Le Guillerm

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| Un salon où se mêlent livres et matériel de gymnastique.

Johann Le Guillerm est un peu le père du cirque contemporain, c’est le premier à avoir joué au festival d’Avignon. Il mène des recherches autour de ce qu’il appelle l’« architexture », une discipline qu’il a inventée entre la texture et l’architecture.

C’est un ami. On se parle assez régulièrement. Je vais voir ses spectacles, il vient voir les miens. Il a un univers assez particulier, il a créé des agrès qui bougent de façon autonome, une fois qu’ils sont mis en route. Il a toute une réflexion sur des machines qui bougent très lentement à une vitesse presque imperceptible, qui peuvent être déclenchées par des pois chiches ou par la pression de l’eau.

Dans un de ses numéros, il marche sur des bouteilles. Il m’a beaucoup inspiré. C’est un livre assez unique dont la couverture est découpée dans un morceau de toile de son chapiteau. Et il est relié avec des grosses cordes.

Un tressler, ou Yoga horse

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| Un yoga horse conçu sur mesure.

C’est un objet lié à la pratique du yoga. Ça fait vraiment du bien. Ça m’aide quand j’ai une blessure ou une partie du corps fatiguée. C’est un objet de correction. Il a été fait sur mesure pour moi. Il permet de retrouver l’équilibre ou la symétrie du corps. Quand je reviens de tournée, je fais une pratique compensatoire à ma pratique de danse.

On peut se tirer dans tous les sens et immobiliser certaines parties du corps avec des sangles. Je pratique le yoga depuis 15 ans. Juste après mes études chez P.A.R.T.S., j’ai découvert un professeur de Yoga, Alexis Simon qui habitait alors à Bruxelles. Maintenant il habite à Majorque.

C’est un super professeur de yoga et chaque année je passe encore quelques week-ends individuels avec lui. C’est lui qui m’a introduit au Yoga Iyengar, une forme de yoga très puissante et active, développée dans les années soixante. C’est un style de yoga qui met l’accent sur la précision et l’alignement.

L’horloge-bougie

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Une bougie qui mesure le temps.

C’est une bougie qui mesure le temps autrement. Quand je suis tout seul et que je veux consacrer une demi-heure à une activité, je ne vais pas utiliser mon téléphone ou une montre, mais je sors ma bougie et je plante des petits ergots métalliques dans le corps de la bougie. Une fois qu’elle a fondu jusque-là, l’ergot tombe dans la soucoupe en émettant un bruit métallique. On peut ainsi mesurer des plages de temps plus ou moins précises.

C’est libérateur de moins quantifier la pratique pour être davantage dans la perception. Je trouve ça très fascinant. On développe un autre rapport au temps, moins linéaire. J’ai découvert ce type d’horloge naturelle en effectuant des recherches sur le temps. Je lis pas mal de philosophie. Je m’intéresse à la perception du temps par les physiciens ou en Orient. Le danseur peut avoir différentes manières de mesurer le temps par le corps, par les battements de cœur, par la respiration ou par les fascias, qui ont chaque fois des écarts différents.

Si on respire plus vite, le temps passe plus vite. Sans bouger, on peut avoir conscience des battements de son cœur. Quand on a un accident aussi, on a une autre perception du temps. Quand on tombe, le temps passe plus lentement parce qu’on fait attention à tout ce qui se passe autour.

Une boule d’exercice en bois

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| Une boule en bois pour s’exercer.

C’est à la fois un bel objet agréable au toucher et un accessoire très utile. Ça aide à travailler le sens de l’équilibre, la coordination et la « proprioception », c’est-à-dire la perception, consciente ou non, de la position des différentes parties du corps.

C’est un objet pratique lancé par Jozef Frucek. On l’utilise aussi dans les arts martiaux ou dans le coaching de performance en athlétisme. Quand je danse, j’aime bien être dans le moment avec une hyperconscience de l’espace. Quand le présent prend le dessus et que le corps suit. Mais pour atteindre ce type de présence, il faut beaucoup travailler en amont avec des accessoires comme celui-ci.

Foreshadow est à voir aux Halles de Schaerbeek les 18 et 19 octobre (www.leshalles.be) et VanThorhout aux Brigittines dans le cadre
des 350 ans de la Chapelle du 23 au 25 novembre (www.brigittines.be)

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