'Tu viens de chez les Boches...'

Nurten Aka
© Agenda Magazine
10/03/2012
(© Alessia Contu)

Avec Le Carnaval des ombres, mis en scène par Michael Delaunoy, le comédien Serge Demoulin, originaire des cantons de l’Est, écrit et joue un texte perso, quasi 20 ans après une scène « anodine ». Il questionne sans mélo ni reproches la mémoire et l’identité…

Un soir, dans une brasserie de Saint-Gilles, un étudiant-comédien lui balance, entre une gorgée de chope et une poignée de cacahuètes, qu’il vient d’une région de Boches, de pro-nazis. Serge Demoulin vient des cantons rédimés, annexés au Troisième Reich d’Hitler. Là-bas, son grand-père et deux de ses oncles ont été enrôlés de force dans la Wehrmacht et sont morts avec l’uniforme nazi au dos. Il a grandi dans le silence multiple qui recouvre cette histoire belge. À 45 ans, installé à Bruxelles, il vient raconter. Dans l’écriture vive d’une tragi-comédie, l’Histoire se mêle « allègrement » au carnaval wallon, mais aussi à sa vie de 
comédien.

Avec ce Carnaval des ombres, vous répondez aux questions de vos 20 ans?
Serge Demoulin
: Exactement. Je me souviens du silence de mes parents, ensuite de mon propre silence quand je suis arrivé à Bruxelles. C’est d’ailleurs le point de départ du spectacle. Quand on m’a dit « tu viens de chez les Boches », je n’ai pas su quoi répondre. Cela n’a pas empoisonné mon quotidien et mes années. Il n’empêche que tout ce poids dans la région, tout ce silence, se transmet chez chacun de ceux qui vivent là-bas.
Avez-vous affronté la question du «
et si les membres de ma famille étaient nazis?»?
Demoulin
: En effet, avec un peu de crainte, mais les réponses que j’ai récoltées et les documents que j’ai trouvés m’ont convaincu du contraire. Je ne l’aurais de toute façon pas occulté dans le 
spectacle.
Ce Carnaval opte pour la légèreté mais raconte aussi quelque chose…
Demoulin
: Je tenais à une part de légèreté dans le spectacle. Toutefois, c’est toujours au sein du carnaval, dans la fête et l’alcool que les consciences et les mémoires se libèrent sur les non-dits. Le spectacle traverse donc les pages d’Histoire avec une certaine ambiance ludique, en évitant la conférence, en gardant le plaisir du théâtre. On reste dans le tragi-comique. Comme au carnaval, on bascule constamment de l’un à l’autre, sur de grandes tristesses et de grandes joies. Car il y a là certes le carnaval bon enfant, mais aussi un carnaval plus sombre, façon James Ensor, angoissant, avec tout ce qu’il y a sous les masques, toute la partie inconsciente, que l’on cache et qui se révèle dans la fête...

Avec du dialecte wallon!
Demoulin
: La première chose que j’ai écrite était un chant en wallon ! C’est important et naturellement là-bas parler wallon, c’est parler vraiment, sinon on discute en français. Lorsqu’on a un problème à régler ou lorsqu’on fait la fête, c’est en wallon. Cela m’a d’ailleurs donné la musicalité du texte essentiellement en français. Les quelques répliques en wallon sont traduites dans la foulée du jeu.
On imagine une atmosphère de «
fou du roi»…
Demoulin
: Il y un peu de ça. C’est une espèce de fou qui viendrait avec sa charrette et son décor sur les places publiques pour porter une parole « obscène », dont il ne faut pas parler.

Le carnaval des ombres
13 > 31/3
• 20.30 (14, 21, 28/3: 19.30, 25/3: 15.00), €10/15/18
Atelier 210 Sint-Pietersstwg. 210 chée Saint-Pierre, Etterbeek,
02-737.16.01, www.atelier210.be

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