Vania ! : Tchekhov rencontre Tom Waits

Catherine Makereel
© Agenda Magazine
31/10/2014
(© Marc Debelle)

On ne présente plus Christophe Sermet. Son Mamma Medea d’après Tom Lanoye a fait fureur, tout comme d’autres spectacles mémorables : Vendredi, jour de liberté d’Hugo Claus ou Hamelin de Juan Mayorga. Aujourd’hui, c’est sur Tchekhov que le metteur en scène a jeté son dévolu. Avec Vania !, l’artiste creuse les désirs enlisés de huit personnages qui se cognent comme des insectes aux vitres de l’existence, les drames en sourdine d’un monde en train de basculer.

Ce point d’exclamation à la fin de Vania ! entend-il dépoussiérer cet Oncle Vania ?
Christophe Sermet : Ce point d’exclamation, c’est pour nous rappeler qu’il s’agit d’un cri de survie plutôt que du portrait d’une famille poussiéreuse. On n’est pas dans la reconstitution historique ni dans une adaptation contemporaine. Je cherche avant tout la simplicité. Avec Natacha Belova, nous avons retraduit le texte pour trouver une langue qui soit plus directe, concrète, proche de nous. On ne veut pas non plus banaliser ou tomber dans une langue de téléfilm mais si la traduction paraît vieillotte, ça nous met à distance. La modernité de Tchekhov est dans sa façon de créer une petite démocratie de points de vue, qu’ils soient douloureux, dérisoires, drôles. Il se dégage de cette constellation de fragments de vies une sorte de désarroi par rapport à la crise, au temps qui passe. Beaucoup de gens ont essayé de l’imiter, de retrouver cette choralité, au cinéma notamment, mais il n’est pas facile de reproduire cette petite cuisine de l’intime.

L’affiche de la pièce évoque presque un western.
Sermet : C’est accidentel mais ça ne me déplaît pas. Nous sommes partis prendre des photos dans la campagne flamande et il se trouve qu’on avait ce chapeau de paille. Avec le recul, c’est vrai que ça fait un peu redneck et Amérique profonde. Ça me plaît d’être à cet endroit-là, à l’autre bout du monde par rapport à la Russie. D’autant qu’il y aura de la musique anglo-saxonne et du Tom Waits.


Qu’est-ce qui rend Tchekhov intemporel ?
Sermet : Les mauvaises langues disent que Tchekhov est bavard, avec ses personnages aux étés langoureux autour du samovar, mais c’est en fait très elliptique. Là où il faut à d’autres auteurs dix phrases pour tourner autour d’un sujet, Tchekhov réussit, par une forme de ciselage, avec cette précision du médecin qu’il était, à être toujours dans le vif du sujet, là où c’est douloureux, intime. Là où, aujourd’hui, le théâtre enfonce beaucoup de portes ouvertes, avec des propos sur la crise qui ne peuvent que mettre tout le monde d’accord, Tchekhov n’est pas dans le constat politique. Il prend le parti des relations intimes entre les êtres pour aborder la question de l’individu perdu dans son temps. Ce qui est intemporel, c’est cette association de banalité totale et de cruauté, cette manière d’agencer des moments triviaux comme manger, boire, dormir, avec des questions existentielles, dont le suicide, qui guette toujours derrière la porte chez Tchekhov.

VANIA ! 4 > 22/11, 20.30 (wo/me/We: 19.30 & 16/11: 15.00), €10/15/20, Rideau@Théâtre Marni, rue de Vergniesstraat 25, Elsene/Ixelles, 02-737.16.01, www.rideaudebruxelles.be

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