Dans la série des idées improbables, l’adaptation du film La Haine en comédie musicale tient le haut de l’affiche ce 24 mai, à Forest National. Spoiler alert: le pari tenté par Mathieu Kassovitz est relevé avec brio.
‘La Haine’ en comédie musicale : culte un jour, culte toujours ?
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Petit flashback nécessaire : en 1995, le long métrage réalisé par Mathieu Kassovitz défraie la chronique et secoue l’opinion publique avec un scénario haut en couleur, et pourtant entièrement tourné en noir et blanc... Porté par un Vincent Cassel inoubliable, La Haine parle, à sa manière, des violences policières et du malaise des quartiers populaires. Des émeutes, plusieurs blessés, un mort et quelques arrestations sont notamment au menu. Sur papier, ce cocktail explosif n’est pas vraiment de nature à faire chanter la vie...
Tant qu’à pousser le délire à fond les ballons, allons-y franco : pourquoi pas une comédie musicale avec Philadelphia, Le Tombeau des lucioles ou La Liste de Schindler ? De prime abord, difficile d’appréhender La Haine sous une forme dansante et fédératrice, façon Hair ou Chantons sous la pluie. Et pourtant…
Trente ans après sa sortie dans les salles de cinéma, La Haine repasse entre les mains de Mathieu Kassovitz pour une mise en scène totalement bluffante. En moins de deux heures, la comédie musicale justifie pleinement sa raison d’être. Ambitieuse, drôle, bouleversante, pertinente et rassembleuse, l’affaire éclipse les appréhensions par le biais d’une ode au vivre-ensemble. À la jonction de la danse contemporaine, du breakdance, du théâtre, du rap et de la chanson, l’adaptation scénique plante ses décors en 2025, sans dénaturer l’esprit originel du film.
Du cinéma à la comédie musicale, le récit s’enrichit de mises à jour essentielles et d’une approche plurielle du divertissement. Robotisation de la scène, mapping, théâtre, chant choral, effets spéciaux et poésie s’entremêlent pour créer un moment unique. Le plus étonnant finalement, c’est que l’histoire est, à peu de chose près, la même que celle racontée en 1995. La comédie musicale s’appelle d’ailleurs La Haine - Jusqu’ici rien n’a changé : un clin d’œil instantané au film et sa tirade mythique « jusqu’ici tout va bien ». Malgré la sensibilité du propos, le spectacle s’inscrit – par de multiples tours de passe-passe –, dans la lignée des grandes comédies musicales.
Le spectacle s’inscrit dans la lignée des grandes comédies musicales.
Le nouveau spectacle de Mathieu Kassovitz réussit le pari improbable de fusionner les disciplines artistiques et de fédérer les opinions autour d’une comédie musicale qui, sur le fond, a le potentiel d’émouvoir toutes les couches de la population.
Dans un contexte troublé par les conflits, les dissensions politiques et un populisme galopant, cette comédie musicale vient rappeler que l’apaisement passe d’abord par le dialogue. La plus grande réussite de cette entreprise est là : elle s’adresse à tout le monde, pas seulement aux nostalgiques du film ou aux fans de hip-hop. Les arts urbains sont toutefois au cœur du projet via la danse, le DJing, quelques graffitis et des chansons interprétées par les comédiens.
Sofiane Pamart, -M-, The Blaze, Médine, Akhenaton, Youssef Swatt’s ou Clara Luciani ont, entre autres, composé la bande originale de la comédie musicale. Découpée en quinze tableaux différents, l’intrigue se déroule avec, en filigrane, une chronologie de l’histoire du rap, allant de 1995 à 2025.
Orchestrée par Proof, beatmaker français et directeur musical du projet, la bande-son façonnée par les stars de la musique est interprétée avec brio par les trois principaux comédiens, Alexander Ferrario (Vinz), Samy Belkessa (Saïd) et le rappeur Alivor (Hubert).
À leur performance magistrale, il faut encore ajouter une étonnante apparition de Pascal Légitimus (Les Inconnus), et le tour est joué : la meilleure surprise de l’année !
La Haine - Jusqu’ici rien n’a changé est à voir le 24 mai à Forest National, forest-national.be
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