Virgil Vernier: magicien des désillusions

Sophie Soukias
26/06/2019

Dans le cadre du BRIFF, Bozar et l'UGC De Brouckère accueillent le cinéma novateur et hypnotisant du Français Virgil Vernier. Entre documentaire et fiction, film noir et essai pseudo-ethnographique.

Bande-annonce de "Mercuriales"

Révélé en 2009 lorsque Thermidor se fraie une entrée à la Quinzaine des Réalisateurs cannoise, Virgil Vernier n’a plus quitté la nouvelle génération des cinéastes à suivre à la trace. Le réalisateur français se distingue d’abord par de fascinants courts-métrages documentaires où il se propose de capter avec la distance d’un extraterrestre les comportements et rituels humains de notre siècle : à l’entrée d’une boîte de nuit dans Pandore (2010), dans le paradis commercial d’Andorre (2014), ...

Dans ses longs-métrages récents (Mercuriales en 2014 et Sophia Antipolis en 2018), Vernier abandonne sa distance pseudo-ethnographique pour se pencher sur quelques destins désignés qui s’efforcent de répondre aux déceptions de la vie promise ici-bas. « J’ai beaucoup de tendresse pour ces gens qui sont un peu des rêveurs et qui se prennent le désenchantement du monde en pleine figure, parce que je me reconnais en eux », dit Vernier.

Bande-annonce de "Sophia Antipolis"

Après les avoir fantasmés, c’est dans le réel que le réalisateur trouve les acteurs et actrices, non professionnels, pour incarner ses personnages. « Ce sont des gens que je rencontre dans la vie ou en faisant des castings. Plus ils ressemblent au personnage que j’ai écrit, mieux c’est. »

Abolissant les frontières désuètes entre documentaire et fiction, se libérant des codes de jeu d’un certain cinéma sclérosé, Vernier s’inspire alors du vécu des acteurs pour remodeler son scénario, invitant parfois ces derniers à se livrer devant la caméra sur de réelles expériences de vie : un séjour en hôpital psychiatrique, une expérience mitigée dans la Marine nationale, … « J’applique un certain nombre de ruses, comme l’hypnose, sur mes acteurs pour dédramatiser le tournage. »

« J’ai beaucoup de tendresse pour ces gens qui se prennent le désenchantement du monde en pleine figure »

Virgil Vernier

Les personnages solitaires de Vernier – un jeune garçon noir débarqué dans une ville du sud de la France, la veuve vietnamienne d’un riche vieillard, deux amies rêvant d’un autre paysage que celui des banlieues – évoluent dans des décors archaïques: une technopole démodée et aseptisée dans Sophia Antipolis, des twin towers parisiennes en décrépitude dans Mercuriales.

Des lieux moroses qui ne sont aujourd’hui que les reliques des mythologies et des rêves de grandeur qu’ils étaient censés incarner. À ce théâtre apocalyptique alimenté par un flot de faits divers sordides, les personnages de Vernier répliquent en élaborant, en secret, leurs propres mythologies païennes et ésotériques où, croyant protéger les leurs du mal présagé, ils finissent parfois par l’incarner.

Un cinéma hypnotisant (la sublime bande-son de James Ferraro y contribue dans Mercuriales) qui s’offre comme une réponse intime à ce même désenchantement. Une révélation en la matière.

MASTERS: VIRGIL VERNIER
27/6, Mercuriales + rencontre avec Virgil Vernier, 18.00 & Andorre suivi de
James Ferraro live, 21.00, Bozar, www.bozar.be


SOPHIA ANTIPOLIS
26/6, 22.00 & 28/6, 20.00, UGC De Brouckère, briff.be

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