Toutes dans le même bateau

Estelle Spoto
© Agenda Magazine
20/05/2012
(© Saskia Vanderstichele)

Pour la sixième année d’affilée, le Théâtre de la Toison d’Or met à l’affiche Les Monologues du vagin, le texte secouant de l’Américaine Eve Ensler créé à New York en 1996 et qui est entre-temps devenu une référence à travers le monde. Mais cette fois, la metteuse en scène Nathalie Uffner a choisi une distribution de trois comédiennes d’origine africaine et y a ajouté un monologue quasiment inédit. Awa Sene Sarr, originaire du Sénégal, Babetida Sadjo, originaire de Guinée-Bissau, et Bwanga Pilipili, originaire du Congo, portent ensemble la parole authentique de la multitude de femmes qu’Eve Ensler a rencontrées.

Les Monologues du vagin ont déjà plus de 15 ans. Pour vous, c’est important de continuer à jouer ce texte aujourd’hui?
Babetida Sadjo (à droite) : Tant qu’on n’arrivera pas soi-même à prononcer ce mot, « vagin », en face de n’importe qui, Les Monologues du vagin auront toujours leurs raisons d’être dits et redits. Je crois que la question de savoir si ces monologues ont encore leur utilité ne se pose pas en termes de groupe mais de manière individuelle. Est-ce que moi, je suis capable de dire « vagin » comme je dirais « oreilles », « yeux »...
Bwanga Pilipili (à gauche) : J’adore distribuer le flyer de la pièce autour de moi. Peu importe les âges ou les milieux, on voit que le mot « vagin » trouble encore, en 2012. Nommer quelque chose, c’est déjà lui donner une existence et une reconnaissance. Le combat continue. La condition féminine reste très fragile. Que ce soit au niveau de l’éducation ou de la santé, il reste beaucoup à faire.
C’est un texte militant, mais le rire est aussi très présent.
Sadjo: C’est un texte très drôle parce qu’on s’y retrouve souvent, dans les remarques que font les femmes par rapport à leur corps, à leur sensualité, à toute l’imagination qui est focalisée autour de ce fameux endroit. Le vagin est tellement mystérieux que finalement, on y projette tout et n’importe quoi. C’est très jubilatoire de savoir qu’on est toutes dans le même bateau.
La version que vous jouez contient un monologue inédit.
Pilipili: Oui, c’est un monologue sur Bukavu, une région de la République démocratique du Congo (de nombreux viols y ont été commis pendant la guerre civile, entre 1996 et 2004, NDLR). Comme le reste du texte, il est lucide, fort, et en même temps positif malgré tout parce qu’il parle de survie et donc de vie.
Sadjo: Ce monologue, Le guide de l’adolescente face à l’esclavage sexuel, est tiré de du texte Je suis une créature émotionnelle, qui a été créé l’année dernière aux États-Unis. Pour l’écrire, Eve Ensler a récolté de nombreux témoignages d’adolescentes, notamment au Congo.
Awa Sene Sarr (au milieu) : Nous le savons tous - et ce n’est pas une particularité de l’Afrique - partout où il y a eu des guerres, les femmes ont beaucoup souffert. Souvent, le sexe devient une arme. Ce monologue est un texte magnifique, qui à mon avis sera le moment fort de ce spectacle. Ce qui fait aussi le charme et la force des Monologues du vagin, c’est que rien n’a été inventé, ce sont des histoires que des femmes ont vécues. Quand on sait en plus qu’Eve Ensler a été abusée par son père, on n’a pas envie de « jouer » quand on donne ce texte. On ne peut pas se cacher derrière quelque chose.

Les monologues du vagin 23/5 > 6/6, wo/me/We > za/sa/Sa, 20.30, €10/20/22,
Théâtre de la toison d’or, Gulden Vliesgalerij 396 galerie de la Toison d’Or, Elsene/Ixelles,
02-510.05.10, info@ttotheatre.be, www.ttotheatre.be

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