« La guerre est finie ! ». Elle est bien bonne celle-là. Combien de fois l’Histoire n’a-t-elle pas démontré que ce qui sonne comme une bonne nouvelle n’est, en fait, que le début de nouvelles souffrances et, souvent, l’annonce d’un autre conflit à venir. Cette réalité n’a pas échappé à l’art cinématographique qui a produit quantité de films sur les séquelles de la guerre. La nouvelle programmation du cinéma Nova The War is Over en propose un aperçu mêlant différents genres et époques. Homeland : Irak Year Zero, salué par la critique à sa sortie en 2015, compte parmi les films phares de la programmation.
En 2003 alors que l’invasion américaine se concrétise, le cinéaste basé à Paris Abbas Fahdel décide de retourner en Irak pour être auprès de ses proches et, par la même occasion, filmer leur quotidien avant et après la guerre. Le tournage est brutalement stoppé par la mort de Haidar, le neveu du réalisateur âgé de douze ans, victime d’une balle tirée par des bandits. Bouleversé, Abbas Fahdel ne peut plus toucher à sa caméra, ni aux heures de rush accumulées. Une dizaine d’années plus tard, et après avoir longuement hésité, il entreprend de monter les images. En résulte Homeland : Irak Year Zero, un film monumental de 5h30 divisé en deux parties qui, à travers le prisme de la famille, donne un visage et une voix à la population civile irakienne - dont la vie de tous les jours, la pensée, la culture, les espérances et les souffrances ont été systématiquement ignorées des médias. Abbas Fahdel sera au cinéma Nova le samedi 10 septembre.
Avec le recul des treize années qui nous séparent de l’invasion en Irak, on lit à travers votre film le drame qui s’annonce.
ABBAS FAHDEL : Lorsque je présente mon film, il arrive qu’on me demande ce que je pense de l’État islamique et je réponds que c’est le résultat de ce qu’ils viennent de voir dans mon film. C’est toujours la même guerre qui prend des formes différentes. Chaque guerre a son lot de souffrances et de frustrations, d’envies de vengeance. Dans mon film, on croise plusieurs personnes dont un membre de la famille a été tué par l’armée américaine et qui disent: « Si je croise un Américain, je le tue ». La guerre bouleverse l’équilibre d’un pays, elle crée le chaos et le chaos profite à l’apparition de bandits et de mouvements terroristes. C’est une sorte d’engrenage dans lequel l’Irak est entré il y a presque 30 ans, et puis le monde entier.
Vous avez choisi de filmer vos proches. Est-ce que vous cherchiez à montrer une famille irakienne typique ou à capter la famille dans sa dimension universelle ?
FAHDEL: Pendant la première Guerre du Golfe j’étais à Paris en train de faire mes études et je culpabilisais de ne pas être avec mes proches. J’ai beaucoup souffert parce que tous les moyens de communication étaient coupés et je ne savais pas ce qu’ils devenaient. Je ne voulais par revivre cela, alors l’idée première c’était de les rejoindre. Ensuite, le hasard fait que ma famille est représentative de la classe moyenne irakienne. Si cette classe s’est énormément appauvrie avec la guerre, c’est elle qui porte le pays et sa culture. Quant au côté universel de la famille, ce fut pour moi une grande surprise. Je pensais que ma famille était une famille irakienne donc qu’elle ne pourrait être comprise que par les Irakiens et les Arabes. Mais je constate que même ici les gens s’identifient à cette famille et y voient la leur. Je trouve ça bien, ça veut dire que nous sommes frères dans l’humanité en quelque sorte.
Le personnage de Haidar est très attachant, il crève littéralement l’écran. La présence centrale d’un enfant dans le film offre un regard particulier sur les événements, de par son innocence.
FAHDEL: Haidar s’est emparé du film, ce qui n’était pas prévu. Il était tellement présent, tellement intelligent, tellement vivant. J’ai donc vite compris qu’il allait être un personnage important mais franchement pas à ce point. Au montage, douze ans après, je revoyais les rushes, c’était évident qu’il allait être le personnage principal. J’ai monté tout mon film à partir de la dernière séquence. Et ce que vous dites sur l’innocence des enfants est vrai. Ils ne se censurent pas, contrairement aux adultes qui se censurent par peur, par intérêt, par pudeur. D’ailleurs, Haidar nous a mis en danger plusieurs fois.
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