Pride festival: un regard exceptionnel sur les minorités sexuelles congolaises

Sophie Soukias
© BRUZZ
07/12/2017
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À l’occasion du Pride Festival, le photographe Régis Samba-Kounzi expose Lolendo. Une série de portraits qui sort de l’ombre les minorités sexuelles et de genre, mises à l’écart de la société congolaise. Une démarche qui dénonce non seulement l’homophobie en Afrique mais aussi son héritage colonial. Vous ne verrez plus jamais les choses de la même façon.

La question des frontières, du sort des réfugiés et de leur accueil occupe une place centrale dans les débats politiques (il n’y a qu’à voir les récentes élections en France) mais aussi, et sans doute de manière bien plus positive, au sein des secteurs associatif, culturel et artistique qui refusent de fermer les yeux sur le drame humain qui secoue l’Afrique et le Moyen-Orient, se mobilisant pour que cette partie du monde ne soit pas oubliée.

Cette année le rendez-vous incontournable de l’art contemporain, le Kunstenfestivaldesarts a choisi d’axer son programme sur la thématique des frontières. Le Pride Festival a, de son côté, voulu mettre les projecteurs sur la spécificité des problèmes rencontrés par les réfugiés LGBTQI+ (lesbiennes, gays, bisexuel(le)s, trans, queer, intersexes, etc.) à travers un programme intitulé Crossing borders.

"C’est une thématique pour laquelle il est très important de se positionner", explique Camille Pier, chargé de projet pour le Pride Festival. "Il y a tout un travail de sensibilisation à effectuer. Par exemple, les réfugiés LGBTQI+ sont soumis à des procédures d’accueil très spécifiques qui ne tiennent pas forcément compte de leur pays d’origine. On estime qu’un réfugié qui vient d’un pays où la loi ne punit pas l’homosexualité ou la transidentité n’est pas en danger, or c’est faux. Sans compter les dysfonctionnements dans l’application de certaines procédures administratives dus à l’ignorance et au racisme qui peuvent avoir des conséquences désastreuses sur les personnes, on pense au cas de personnes transgenres."

Un travail de sensibilisation qui nécessite aussi d’être effectué au sein même de la communauté LGBTQI+ : "On a beau se croire comme appartenant à une minorité discriminée, cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas nous-mêmes infliger une forme de discrimination involontaire à des personnes sous la forme d’un racisme ordinaire."

Pas de pathos
Un message et des revendications que le Pride Festival décline sous la forme de plusieurs activités : films, workshops, conférences, shows ainsi que deux expositions parmi lesquelles Lolendo ("Pride" en lingala) visible à Bozar après une avant-première au Bronks en collaboration avec le Massimadi Festival (le Festival des films LGBT d'Afrique et de ses diasporas).

Cette série photographique réalisée par le photographe franco-congolais-angolais Régis Samba-Kounzi donne un visage à la communauté LGBTQI+ congolaise à travers une série de portraits réalisés à Kinshasa. En pleine rue, de jour comme de nuit, ou dans l’intimité d’un chez-soi. Des images en couleur puissantes où les sujets sont simplement invités à être eux-mêmes, à être fiers de ce qu’ils sont.

"Je voulais des portraits frontaux qui permettent une connexion directe avec le spectateur, sans pathos et sans misérabilisme. En posant pour moi, ces personnes ont fait preuve d’énormément de courage. Certaines ont le visage volontairement camouflé pour des raisons de sécurité ", explique le photographe qui est entré en contact avec ses sujets par le billet du milieu associatif, de connaissances, d’amis et via les réseaux sociaux.

Mais la démarche de Samba-Kounzi ne se réduit pas à rendre visible cette communauté marginalisée et stigmatisée, Lolendo est aussi, et peut-être avant tout, un appel aux Africains à se réapproprier cette lutte, à réinscrire l’homophobie et la transphobie au Congo dans son contexte historique, pour pouvoir mieux les comprendre et les combattre.

"Ce qui m’a frappé, c’est l’isolement dans lequel se trouvent ces personnes", explique Samba-Kounzi. "Le sentiment de marginalisation et de vulnérabilité face aux agressions verbales, physiques ou psychologiques est très violent". Si, contrairement à d’autres pays africains, l’homosexualité en RDC n’est pas officiellement considérée comme un acte criminel, les stigmatisations et les violences envers les personnes LGBTQI+ sont monnaie courante et se déroulent en toute impunité puisqu’il n’existe pas de loi protégeant contre les discriminations liées à l’identité sexuelle.

"Il ne s’agit pas seulement de mal vivre l’homophobie en tant qu’individu, il s’agit de devoir se battre au quotidien contre un système d’oppressions qui s’accompagne de discriminations au logement, à l’emploi et à la santé".

L’accès convenable aux soins de santé pour les LGBTQI+ est un enjeu d’autant plus important que le VIH reste un problème sanitaire des plus alarmant en RDC.

Décoloniser les imaginaires
Comment donc changer les mentalités ? "En décolonisant les imaginaires", nous dit le photographe. Dans l’imaginaire africain actuel, l’homosexualité est considérée comme étant un "vice" importé de l’Occident. Ainsi persiste le mythe, alimenté par les leaders politiques et religieux, d’une Afrique précoloniale où les relations entre personnes du même sexe n’existaient pas.

"Les homophobes congolais, et africains en général, utilisent cet argument pour mieux rejeter les homosexuels et leur ôter leur africanité. Or, c’est l’homophobie que les colons ont introduite en Afrique, pas l’homosexualité. Il faudra répéter encore et encore que l’homosexualité a toujours existé en Afrique et sur tous les continents", explique Samba-Kounzi.

Et d’ajouter : "Notre culture, nos traditions et nos valeurs ancestrales d’ouverture n’ont jamais été contre l’homosexualité, au contraire. C’est durant la période de l’esclavage et de la colonisation qu’a été introduite une logique de hiérarchisation de l’être humain et donc de jugement moral sur l’homosexualité".

S’inscrivant dans le mouvement plus global de décolonisation, Samba-Kounzi invite à sortir de la seule grille de lecture occidentale pour mieux accueillir d’autres récits sur le regard porté sur la communauté LGBTQI+. Des récits qui, au-delà du cas africain, questionnent nos propres représentations, à nous occidentaux, de l’homophobie et son histoire.

Le genre de matière à réflexion qui vous accompagnera tout au long de l’exposition. Samba-Kounzi : "Je pense que l’art est politique et qu’il est un vecteur puissant pour changer le monde et donner une autre vision de la société."

> Pride Festival. 3/0 > 21/05, lieux divers, Bruxelles
> Lolendo. 12/05 > 13/05, Bronks & 15/05 > 17/05, Bozar, Bruxelles

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