1523 Beatrice Balcou

Wunderkammer: Béatrice Balcou

Michel Verlinden
© BRUZZ
18/05/2016

Chaque semaine, BRUZZ part à la recherche des sons et des images de Bruxelles. C’est au tour de Béatrice Balcou de nous emmener dans son atelier saint-gillois où elle imagine ses nouveaux rituels d’exposition.

Une paire de gants blancs déposée sur le plan de travail de Béatrice Balcou donne le ton de la délicatesse de son approche plastique. À proprement parler, cette Française débarquée à Bruxelles en 2007 « prend des gants » pour déployer sa pratique. Cette impression précieuse est renforcée par une silhouette gracile qui tient de l’apparition. Logé dans une ancienne boulangerie - la présence d’un four à pain en atteste au sous-sol -, son atelier s’apparente à un long couloir au bout duquel sont parqués trois vélos qui racontent sa vie de famille. Des dessins préparatoires, des photos et des cartels sont punaisés au mur, ainsi qu’une feuille de papier sur laquelle est écrit « Susan ne l’aurait jamais fait ». La plasticienne explique : « J’éprouve une grande admiration pour Susan Sontag.

J’ai lu que lorsqu’elle avait des difficultés à prendre une décision, elle se demandait ce que telle ou telle personne pour laquelle elle avait de l’estime aurait fait à sa place. C’est le même principe que j’applique. Parfois, la phrase résonne comme un défi, d’autres fois comme une invitation à laisser tomber ». Au regard de son travail, on imagine Béatrice Balcou interroger régulièrement ce morceau de papier, tant sa démarche est nuancée. Pour la comprendre, elle fait le récit d’une anecdote vécue en 2015 à New York. « J’étais allée voir la Frick Collection, non loin de Central Park. Dans une petite pièce, il y avait une magnifique peinture flamande.

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Celle-ci était accompagnée d’une copie à la valeur nettement inférieure, du moins aux yeux du marché. Les teintes et les drapés étaient grossiers. Pourtant, d’autres éléments compensaient cet état de choses. D’abord, cette toile avait été achetée par la fille du collectionneur qui entendait prolonger par là l’œuvre du père. Ensuite, cette copie témoignait du travail de l’un de ces peintres itinérants qui faisaient voyager les tableaux des grands maîtres. Il y a une certaine beauté à refaire l’œuvre de quelqu’un d’autre. Plutôt que se focaliser sur l’aspect d’ersatz, je préfère envisager cette réplique comme une merveilleuse façon d’accompagner l’original, d’en prolonger la temporalité ».

Des moments privilégiés de contemplation
Porter son attention sur l’œuvre d’un autre artiste choisi par ses soins, voilà comment on pourrait résumer le projet artistique de Béatrice Balcou qui, dans la foulée, entend « faire réfléchir le visiteur sur l’aspect consommateur de son regard ». Dans un monde traversé par des flux incessants d’images, Balcou imagine des situations et des dispositifs qui permettent de faire naître « des moments privilégiés de contemplation ». À cet égard, le travail qu’elle présente en ce moment à l’ISELP est extrêmement révélateur. L’intéressée y met en scène une « rencontre véritable » avec l’œuvre de Kazuko Miyamoto. Cette ancienne assistante de l’artiste conceptuel américain Sol LeWitt incarne à la perfection l’un de ces destins artistiques dont Balcou aime à approfondir le potentiel. « L’objet de l’exposition est de faire persister et chérir l’œuvre de Miyamoto mais aussi de questionner une notion comme celle de l’assistanat qui est perçue de manière péjorative dans notre société.

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Un artiste est-il un assisté ? Que signifie être assisté ? Qui assiste qui ? » Pour ce faire, la Française a déroulé dans l’espace du boulevard de Waterloo un nouveau chapitre de son projet intitulé Les Apostrophes silencieuses, celui-ci est matérialisé par des « œuvres placebos » et des « cérémonies ». « Œuvres placebo » ? Il s’agit de copies en bois - en l’occurrence neuf sculptures intitulées The K. Miyamoto Boxes - que Béatrice Balcou a conçues pour évoquer des pièces de Miyamoto détruites, disparues, ou délaissées par les curateurs. Qualifiées également de « sculptures fantômes de l’original », elles sont disposées dans l’espace central de la galerie. Certaines d’entre elles sont exposées, d’autres demeurent dans leur boîte, dans l’attente d’apparaître à leur tour selon un protocole établi par l’artiste. Et les Cérémonies ? Des performances que Balcou propose à un public restreint. Durant celles-ci, elle manipule une œuvre de Miyamoto. Les gestes qu’elles convoquent se veulent « justes ». Ils créent un espace-temps propice à une contemplation collective. L’enjeu est majeur : il n’est question de rien de moins que de réapprendre à regarder.

Œuvres minuscules
Dans son livre Vies Minuscules, paru en 1984, l’écrivain français Pierre Michon raconte les destins de personnages de condition sociale modeste. Qui se souviendrait d’André Dufourneau, s’il n’en avait écrit l’existence tragique ? On ne peut s’empêcher de rapprocher ce projet littéraire de la démarche de Béatrice Balcou : éclairer des œuvres plongées dans l’ombre. Appuyées sur le mur de son atelier, deux reproductions banales – l’une de la vallée de Chamonix, l’autre de Notre-Dame-de-Paris - en témoignent. L’intéressée en explique l’histoire : « En 2014, j’avais un projet au Casino de Luxembourg. Avant de choisir l’œuvre pour une cérémonie, j’ai arpenté les réserves d’autres musées, notamment celui d’Histoire de la Ville de Luxembourg. Ces deux allaient être jetées ou données. J’ai demandé à les recevoir. Elles m’ont été offertes à la condition expresse, stipulée par un contrat, d’en réaliser une œuvre conceptuelle. Ce que je ne manquerai pas de faire sous peu ».

Commune : Saint-Gilles
Expo : Kazuko Miyamoto, > 2/7, Iselp, www.iselp.be
Info : www.beatricebalcou.com

Wunderkammer

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