Chaque semaine, AGENDA part à la recherche des sons et des images de Bruxelles. La photographe Marie-Françoise Plissart, qui investit le Botanique avec des arbres et des mers recomposés, nous a ouvert les portes de sa maison à Forest.
© Heleen Rodiers
Chaque semaine, AGENDA part à la recherche des sons et des images de Bruxelles. La photographe Marie-Françoise Plissart, qui investit le Botanique avec des arbres et des mers recomposés, nous a ouvert les portes de sa maison à Forest.
Jamais je n’ai pensé à un plan de carrière », dit Marie-Françoise Plissart quand on l’interroge sur les raisons qui l’ont poussée à devenir photographe. « Ce sont plutôt des impulsions qui ont présidé à mes décisions. Chaque fois, c’était des désirs. Mais quand je regarde en arrière, je pense que je peux établir un lien à travers tout ce que j’ai réalisé ». Et ce lien, c’est justement ce qui relie les choses entre elles, les choses et les gens et les gens entre eux. Qu’est-ce qui connecte les quartiers de Bruxelles, la mer et le ciel, le ciel et la terre, les hommes aux arbres ? « C’est aussi une histoire de frontières, les frontières qu’on a sur les pieds, la frontière constituée par l’horizon, les arbres qui font le lien entre la terre et le ciel. Il y a des liens verticaux et horizontaux. Je comprends ce fil rouge dans mon travail seulement maintenant, parce que tout a été fait par intuition. Mais l’intuition est très raisonnée, il y a beaucoup de logique dans l’intuition ».
« Ça a été un coup de foudre », explique Marie-Françoise Plissart à propos de sa découverte de la photographie. « J’avais 16 ans quand j’ai vu lors d’un stage un photographe professionnel qui développait les photos d’un mariage, avec tout le matériel, révélateur, bain d’arrêt, fixateur... J’ai vu ce papier blanc devenir gris, j’y ai vu apparaître une mariée et j’ai trouvé ça extraordinaire. Parce qu’avant ça, je ne savais pas comment la photographie fonctionnait. Je pensais que c’était des ondes. Je ne savais pas qu’il y avait de la pellicule. Après beaucoup de supplications, j’ai obtenu de mon père d’avoir un petit labo que j’ai installé en-dessous de l’escalier chez moi. J’ai commencé à photographier dès que j’avais du temps libre, mais jamais en pensant en faire mon métier ».
C’est par ses romans-photos réalisés avec l’écrivain Benoît Peeters en renouvelant le genre en profondeur (dont Droit de regards, publié en 1985 aux Éditions de Minuit) que Marie-Françoise Plissart s’est fait connaître du grand public. Les photos s’y enchaînent, s’y emboîtent dans un récit qui fourmille de mises en abyme. Pour ses séries sur les arbres et les mers présentées actuellement dans son expo au Botanique, les photos ne se contentent pas de se succéder, elles s’imbriquent véritablement l’une dans l’autre pour former une nouvelle image. « Toutes les photographies individuelles sont spontanées. Je ne me préoccupe pas de savoir si elles sont banales ou pas puisque ce qui compte, c’est la joie de les faire. Mais après, il s’agit d’assembler ces images, de les construire. Et ça, c’est comme une drogue. C’est vraiment comme un puzzle, vous fabriquez du sens. Vous frictionnez les images entre elles, il y a des vibrations quand elles se joignent. On voit si ça circule, si ça ne circule pas, comment ça se connecte... En fait, c’est peut-être prétentieux de dire ça, mais vous refaites le monde ».
Sur la grande table de son bureau, Marie-Françoise Plissart déploie une composition de photos prises au Sri Lanka, pays qu’elle a arpenté pendant trois semaines. À l’avant-plan, on y voit un groupe d’oiseaux d’une netteté extraordinaire, comme s’ils avaient été tracés par le pinceau méticuleux de Jérôme Bosch pour son Jardin des délices. À côté, un cerf bande non loin d’une biche, des chauves-souris batifolent, un éléphant repart dans la forêt. « Tout est vrai », précise la photographe. « Mais j’ai fait des voyages où ça n’a pas fonctionné. Au Chili, je partais pour voir les plus belles vagues du monde et je suis arrivée devant une mer d’huile... Parfois, rien ne marche mais il y a toujours quelque chose d’autre qui se passe. Sur ces photos, on voit peu de gens mais en réalité, il y a beaucoup de monde derrière : telle personne qui m’a guidée, qui m’a prise sous son aile, qui a attiré mon attention sur quelque chose... Comme l’artiste Lia Wei, qui m’a fait découvrir en Chine des grottes où l’on ensevelissait les morts il y a 2.000 ans. Derrière chaque photo il y a toute une histoire ».
Les mers recomposées de Marie-Françoise Plissart envahiront la station de métro Parc à partir de 2018, avec une visibilité dépassant largement le cadre d’une exposition. « J’aime bien montrer mes photos dans des circuits différents. Je viens par exemple de réaliser un calendrier avec des photos des marchés de Bruxelles. Je produis des cartes postales aussi. J’aime que mes photos circulent par des moyens très simples. Une carte postale, c’est un objet que tout le monde peut s’offrir et qui peut faire rêver énormément ». Le rêve, un fameux moteur. « Je ne suis jamais lasse », affirme la photographe. Et quand on voit ses yeux pétiller, on ne peut en douter.
Cuisine du monde
Si elle veut embrasser le monde, Marie-Françoise Plissart n’a qu’à lever le nez au-dessus de l’évier de sa cuisine. Une carte en mosaïque, réalisée par Judith Delville, s’y déroule dans un dégradé de blanc. Les zones qui tirent vers le rouge sont les montagnes, les points brillants sont les mines d’or. De quoi apaiser sa soif de voyages quand la photographe reprend des forces dans son repaire forestois. À 21 ans, après ses études d’assistante sociale, Marie-Françoise Plissart a travaillé comme taxi de nuit pour se payer son premier voyage en Chine. « Je suis née à Bruxelles et je ne voyageais pas du tout avec mes parents. Pendant les vacances, on passait deux mois dans la campagne à 15 minutes de Bruxelles. Je n’avais qu’une idée, c’était de voyager ».
Cette carte en pierre fait écho à la carte des mers réalisée par Bieke Cattoor qui se trouve sur le sol de l’expo du Botanique. Un moyen supplémentaire pour la photographe d’emmener les visiteurs aux quatre coins du globe.
photo: Heleen Rodiers
Commune : Forest
Expo : Marie-Françoise Plissart: Aqua arbor, 3/12 > 31/1, Botanique, www.botanique.be
Info : www.lesimpressionsnouvelles.com
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