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Penélope Cruz et Javier Bardem

Asghar Farhadi : Maître iranien en terre espagnole

© BRUZZ
16/05/2018

L’ouverture du Festival de Cannes la semaine dernière par le réalisateur iranien Asghar Farhadi fut grandement célébrée en Espagne. C’est que Everybody Knows est aussi espagnol que ses têtes d’affiche Penépole Cruz et Javier Bardem.

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Les États-Unis ne sont pas le premier pays à manifester leur sympathie pour l’Iran. Ce qui n’a pas empêché l’Iranien Asghar Farhadi de remporter deux fois l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Une Séparation et The Salesman bénéficient tous les deux d’une reconnaissance universelle, des tragédies à échelle humaine brillamment interprétées qui ont rencontré le goût des critiques de film et des amateurs de cinéma d’auteur de par le monde. Si ça ne tenait qu’à lui, Farhadi tournerait beaucoup de films dans son pays mais ça n’est pas toujours évident. Demandez donc à Jafar Panahi, son célèbre collègue qui n’a pas le droit de quitter l’Iran. C’est la seconde fois que Farhadi filme à l’étranger. Après Le Passé tourné en France, il a filmé Everybody Knows dans un village viticole en Espagne. Le couple de stars espagnol Penélope Cruz et Javier Bardem joue d’anciens amants qui se retrouvent à l’occasion d’une fête de mariage dans leur village d’enfance. L’enlèvement de la fille du personnage interprété par Cruz ranime de vieilles discordes et révèle de lourds secrets de famille.


Film espagnol à l’âme iranienne
« Contrairement à ce que disent les médias, les gens ne diffèrent pas en matière d’émotions. Nous sommes les mêmes. L’amour, la haine, la colère sont des sentiments primaires que l’on rencontre aux quatre coins du monde. Ce qui varie parfois c’est la manière dont nous exprimons ces sentiments », disait Farhadi lors de sa conférence de presse à Cannes. « Je crois que les films peuvent montrer à quel point nous sommes proches les uns des autres. Nous partageons tous des racines communes. Voilà pourquoi il est très important d’insister sur ce qui nous lie ».

Farhadi reconnaît que ça n’est pas évident de tourner un film dans une culture et une langue étrangères. Mais ça ne l’a pas découragé pour autant. Penélope Cruz n’en revenait pas de son zèle et de son dévouement. « Il a déménagé en Espagne et il a absorbé la culture espagnole comme une éponge. Selon moi, il ne dormait pas la nuit mais en profitait pour apprendre nos dialogues par cœur. C’était impossible de tricher. Si vous vouliez changer quelque chose au texte, il fallait d’abord en discuter. Indépendamment de son énorme talent, c’est un grand bosseur au dévouement phénoménal. C’est ce qui explique la magie : vous oubliez que le film a été tourné par un réalisateur iranien ». Ce qui est aussi le but. « Le film est très espagnol mais détient sans nul doute une âme iranienne », dit Farhadi. « Dans l’art classique iranien, il est courant pour le créateur de s’effacer. Il ne peut y avoir personne entre l’œuvre et le spectateur. Abbas Kiarostami (réalisateur iranien légendaire, NDLR) ne voulait pas que le scénario soit visible et se montrait très modeste. Ce qui compte, c’est le travail, pas celui qui a fait le travail. On retrouve cette idée dans l’art persan et dans le cinéma iranien ».

Les êtres humains ne changent pas en fonction de leur culture

Asghar Farhadi

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Faire tomber les masques
L’enlèvement assure la tension du film mais Farhadi n’en a pas fait un thriller. « Dans tous mes films, j’ai besoin d’une crise mais la crise n’est pas une fin en soi. C’est seulement le moyen de briser la superficialité, de faire tomber les masques pour placer les personnages devant des choix difficiles. Je veux que le spectateur se demande ce qu’il aurait fait dans une telle situation. » La crise fait ressurgir de vieilles discordes et des secrets de famille. « À première vue, on aurait tendance à penser que les différences de classes appartiennent au passé mais dans ce type de crise, on comprend que le rang et la situation sociale jouent encore un rôle. On protège les gens qui appartiennent à notre classe sociale. C’est l’aspect social du film » .

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Ce n’est pas la première fois que Farhadi opte pour une fin ouverte. « Le film aurait pu tout aussi bien s’appeler Nobody Knows. Un secret est révélé, la vérité transparaît mais dans le même temps de nouveaux secrets, de nouvelles vérités cachées font leur apparition. Ce qui m’amène à un de mes dadas : savoir, c’est souffrir. Plus on en sait, plus on souffre. Demandez donc à Prométhée. Mon film a deux débuts : un au début et l’autre à la fin. »
« Je veux qu’à la fin, une nouvelle histoire commence dans la tête du spectateur. Je ne dis pas ça pour avoir l’air malin et ça n’est pas une stratégie filmique. Ça vient du cœur. Je fais ça spontanément depuis que j’ai treize ans ».

Aidez Panahi
Farhadi a appelé le gouvernement iranien à autoriser son collègue Jafar Panahi à se rendre au Festival de Cannes pour y présenter son nouveau film Three Faces. Panahi est accusé de propagande contre la République islamique et son mouvement de liberté est contrecarré depuis des années. « C’est un sentiment très étrange de pouvoir être là alors que lui ne le peut pas. J’ai du mal à vivre avec ça. C’est merveilleux qu’il ait poursuivi son travail malgré une telle adversité ».

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