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Score: 4 op 5

Critique théâtre : Entre l’art et la vie, les brigands ne choisissent pas

Gilles Bechet
07/03/2024

Le spectacle Les Brigands, signé Isabelle Gyselinx et Michel Kozuck, raconte la rencontre d’un enfant placé avec la puissance de l’art de Michel-Ange. Une ode à l’art qui, à défaut de changer le monde, a le pouvoir de changer un individu.

« J’aurais pu rencontrer Bob Dylan, ou Franquin, ça a été Michel-Ange. » Bruno, enfant solitaire, battu par son père, découvre l’artiste de la Renaissance lors de la projection du film hollywoodien L’Extase et l’agonie, lors d’une de ses rares sorties avec sa grand-mère dans un cinéma de quartier, au milieu des années cinquante, à Liège.

Les Brigands est une fable qui raconte, par bribes, cette rencontre improbable et comment elle a bouleversé et guidé le parcours chaotique d’un enfant qui s’est lui-même présenté à la police pour échapper aux violences paternelles.

Ce spectacle est une fable contemporaine où ce que l’on raconte aurait pu avoir lieu et n’a peut-être n’a jamais existé. Au cœur de ce spectacle, la puissance transformatrice de l’art, sa capacité à extraire l’individu de son milieu et de ses traumatisantes expériences de vie en même temps qu’il s’en nourrit.

Le pari gagnant de Michel Kozuck et Isabelle Gyselinx est de proposer une balade pluridisciplinaire où l’on peint, on joue de la musique et où se raconte une histoire comme un conte contemporain. Michel Kozuck, également musicien, joue et chante des sonnets du maître florentin en compagnie de Jacques Pirotton et de Quentin Halloy.

On suit les traces d’un personnage qui n’a jamais douté de lui et qui ne veut pas de la voie qui aurait été tracée pour lui

C’est lui aussi qui a réalisé les dessins et les peintures que l’on voit sur scène comme dans le foyer du théâtre. Comme le personnage inventé de cette histoire, il est issu d’un milieu ouvrier et a découvert Michel-Ange au cinéma, avec sa grand-mère et ensuite a connu l’éblouissement en découvrant les sculptures de l’artiste italien, lors d’un voyage scolaire à Florence.

Les deux comédiennes et conteuses, Eva Zingaro-Meyer et Irène Berruyer, passent d’une langue à l’autre et d’un registre à l’autre, transformant la scène du théâtre en un atelier ouvert qui ressemble aussi peut-être à la maison d’accueil où Bruno a été placé. On discute, on raconte, on joue la comédie, on peint et on joue de la musique aux sonorités tantôt jazzy, tantôt burlesque.

Ça bouge, ça se déplace avec une grande liberté. Rien n’est appuyé, tout est suggéré et tout est là. Avec des moyens limités, beaucoup de créativité, Les Brigands, on aurait pu dire Les Flibustiers, ne se lance pas dans un verbiage philosophique, mais s’embarque avec curiosité et désinvolture sur des chemins de traverse scéniques. De détours, en surprises, d’images en éclats, on suit les traces d’un personnage qui n’a jamais douté de lui ni de ses capacités et qui ne veut pas de la voie qui aurait été tracée pour lui.

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