Cinq amours de terrasse

Michel Verlinden
© BRUZZ
06/07/2018

Il existe une alchimie des terrasses. Ces lieux ouverts possèdent le don de transformer le bruit et la fureur de la ville en une « paisible rumeur », comme l’écrivait Verlaine. Sélection hétéroclite.

La terrasse du Bout de Gras n’est certes pas la plus spectaculaire que l’on trouvera dans la capitale. Pourtant, il s’agit d’un endroit propice à l’été. On le choisira tout particulièrement lors des fortes chaleurs dans la mesure où n’étant pas exposé directement aux rayons du soleil, cet espace ombragé reste relativement frais. On aime aussi sa discrétion, une vingtaine de couverts tout au plus qui se trouvent loin de l’esprit des « supermarchés de la terrasse » que diffusent avec succès certains bars prisés. On viendra ici pour un tête-à-tête intimiste, les yeux dans les yeux, avec le ciel par-dessus les toits comme divinité tutélaire. Mais ces couverts en plein air ne sont pas la seule raison de débarquer dans cette enseigne du Châtelain.

L’autre raison tient à la personnalité de son chef : Laurent Balancy.Originaire de La Réunion, ce talent a la cuisine des îles pour patrimoine. La gastronomie de son pays a structuré son inconscient culinaire. Il raconte : « Ma maman est réunionnaise et mon père mauricien. Je me souviens des dimanches où c’était lui qui passait derrière les fourneaux. Il préparait des mijotés. Assister à la transformation des aliments m’a marqué durablement. » Plutôt que d’opter pour des plats typiques, ce cuisinier au physique de demi de mêlée propose une cuisine de bistro à travers laquelle il distille ses racines créoles. Le meilleur exemple ? Son cassoulet à côté duquel il ne faut pas passer. Celui-ci est aromatisé aux feuilles de quatre-épices qu’il se fait ramener en direct du pays. Autant dire que la préparation vaut le détour car la saveur de ces feuilles - que l’on appelle aussi « piment de la Jamaïque » - est assez unique. Certains tentent de la retrouver en mélangeant en vain du gingembre, du clou de girofle, de la muscade et du poivre.

Tant qu’on est dans la place, il ne faut pas rater non plus son excellent tartare d’araignée de bœuf aux algues et piment, la preuve qu’une préparation de viande peut être rafraîchissante et aller comme un gant à la saison estivale. Bien vu également, la carte des vins qui fait la part belle aux flacons de soif, soit des bouteilles offrant une grande « buvabilité », ce qui est précieux quand il fait chaud.

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Voir et se faire voir

Dans un genre très différent, Voltaire, sur la place Brugmann, offre l’assurance de la visibilité à celui qui aime être vu. Cette adresse qui marche dans les pas de l’ancien Gaudron est l’un de ces endroits où « voir et se faire voir ». L’approche ? Elle est celle d’une néo-cantine plaisamment mondaine. On s’y attable pour savourer le plat du jour, voire l’une ou l’autre fraîcheur. Notre préférée ? Sans hésiter le très joli toast à l’avocat qui est servi avec du fromage frais, du citron et un mélange de jeunes pousses faisant toute la différence. En dessert, il ne faut surtout pas rater la croûte aux framboises qui a fait la réputation de l’endroit. Pour les indécrottables du foot, on notera que jusqu’au 15 juillet, date de la finale, l’établissement a installé un grand écran au premier étage : tout le niveau est dédié aux amoureux du ballon rond.

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Si la rue du Bailli est célèbre pour abriter la terrasse du Supra Bailly, plus rares sont les enseignes permettant de se restaurer en plein air. Débarqué à Bruxelles en 2015 du côté de la rue Jourdan, G-Spud rend hommage, comme son nom le laisse deviner, à la pomme de terre. On doit ce « bar à patates » à Géraldine Dubois, une jeune entrepreneuse qui s’est lancée sur ce créneau après avoir pas mal voyagé. Au fil de ses découvertes, la jeune femme s’est rendu compte que le blason des bintjes et autres charlottes étaient insuffisamment redoré sous nos latitudes. Un phénomène qui s’explique peut-être par l’obsession monomaniaque de nos concitoyens pour la frite, passion certes dévorante mais qui hélas manque d’ouverture.

Pour l’exprimer au mieux, Géraldine Dubois travaille la pomme de terre au four et attache un soin tout particulier à la farcir d’ingrédients bien sentis. Le coup de cœur ? La « Salmon », une composition qui aligne cressonnette, concombre, crème épaisse aux jeunes oignons et saumon fumé. La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de customiser sa patate selon son goût en y ajoutant les garnitures de son choix au fil d’une cinquantaine de possibilités. Parmi les propositions intéressantes, il faut souligner également une déclinaison dite « du moment » qui sacre une approche saisonnière. Enfin, last but not least, l’offre s’est enrichie de variantes à base de patates douces qui confèrent une note sucrée aux préparations (mention spéciale pour la version « Salade César » avec laitue, parmesan, dressing ad hoc et œufs durs). Et la terrasse dans tout cela ? Située à l’arrière du restaurant, elle vaut vraiment le détour. Cela d’autant plus qu’une tente solaire et des chaufferettes permettent d’envisager sereinement un large éventail de configurations climatiques.

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Extase Fugace

Côté sensation du moment, la palme revient à Tespaspret, un bar éphémère installé pour une durée de trois mois sur le parvis de Saint-Gilles. On doit le projet à l’architecte d’intérieur, autodidacte et brillant, Lionel Jadot. L’intéressé explique : « Ce pop-up a pour but de faire connaître l’Aegidium, un magnifique bâtiment classé datant de 1905 et laissé à l’abandon depuis 1980. Ce dernier va renaître d’ici 18 mois en un grand espace communautaire mixant du co-living, un bar, un espace de travail partagé, un volet événementiel ou encore une salle de cinéma… un peu à l’instar de projets tels que La Recyclerie à Paris ou TCRM Blida à Metz. » Il faut avouer, même habillé à la hâte dans des matériaux pauvres et recyclés (restes d’isolation et chutes de tuyaux de ventilation récupérés pour le décor, ballots de vêtements usés transformés en poufs, charpentes en lamellé-collé pour le bar…), l’endroit ne manque pas de panache.

La terrasse ? Disons qu’en plus d’être propice à la dégustation des bières de la brasserie Moortgat (Vedett, Chouffe…), elle sert surtout de prétexte à aller voir ce qui se passe à l’intérieur. Le détail qui tue ? Une petite table spécialement conçue pour se lancer dans un concours de bras de fer - le perdant est redevable d’un « café suspendu », du nom de ce principe né en Italie qui consiste à payer un café à l’avance pour quelqu’un qui ne peut pas se l’offrir. Enfin, on notera que le « comptoir de cuisine populaire » Fernand Obb vient régulièrement proposer sur place ses délices (burgers, fricadelles maison, gaufrite et autres croquettes de crevettes) sur place.

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Alléché par l’éphémère ? N’oublions pas Laterrasse O2 qui est de retour avec son offre de plein air revendiquée « durable » depuis deux éditions - notamment par le biais d’un partenariat avec Reforest’Action. Le scénario? Un lieu joliment aménagé entre décor végétal et plan d’eau, le tout logé dans le cadre de l’ancien hippodrome de Boitsfort. Au programme : des brunchs, un restaurant, un bar, des DJs, des cours de yoga, des stores de créateurs belges, des activités pour les petits… Attention toutefois à faire vite car il ne reste plus qu’une semaine pour en profiter.

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