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Jan Ducheyne: 'C’est si bon d’être à la maison'

© BRUZZ
25/02/2022

Pendant trois semaines, un.e artiste bruxellois.e partage sa vision du monde. Jan Ducheyne est écrivain, poète et performeur à la tête du groupe Noodzakelijk Kwaad. www.janducheyne.be

Être chez soi quelque part. C’est d’une importance capitale. Avoir du confort est une chose. Mais se sentir chez soi quelque part, c’est autre chose. Pendant des mois, nous avons été obligés de vivre dans un endroit où nous avions le confort, mais pas le sentiment d’être chez nous. C’est dur.

Mais voilà, dans sept jours, nous y serons. Dans notre rue. À boire un café au Sun Café, une bière chez Filip, Pieter ou Frederik. Plus besoin de trimballer sacs et cartons.
Car ce n’est pas la maison dans laquelle on vit, c’est la maison que l’on construit. Je viens de ranger tous mes livres dans la nouvelle bibliothèque que nous avons achetée au Showroom 144 chez Kathleen & Frank. C’est la plus belle bibliothèque que j’ai jamais remplie avec mes livres. Ils sont mieux rangés qu’ils ne l’ont jamais été. J’ai passé des heures à les classer. Par genre, par auteur, pas par couleur. C’est difficile de mettre des livres dans la boîte « à jeter ». Une vingtaine, quand même. Bientôt, un vide-grenier !

Il y a juste assez de place dans les rayons. Je ne vais pas pouvoir ajouter beaucoup de livres. Mais ce n’est pas grave. Tout ce rangement m’a permis de ressortir tous ceux que je n’avais pas encore lus. Je vais être occupé pendant un bout de temps. Ici, dans notre maison. Beaucoup de gens pensent que je suis souvent en déplacement. Mais c’est là que je préfère être, sous mon propre toit. Ne rien faire, ou du moins, ne pas devoir aller quelque part. C’est toujours une bénédiction. Surtout dans une maison où l’on est chez soi.

« Dans l’ensemble, je suis chez moi à Bruxelles. Les rues sont mes rues. Le chaos est mon chaos »

Jan Duscheyne

Le quartier, la rue où on habite. La lumière du soleil, le matin et le soir. Le chemin pour y revenir de partout. Les amis du quartier. Tout cela est important si l’on veut faire d’une telle maison son chez soi. Si cette maison est soudain inondée à cause d’un tuyau percé, c’est pénible. Devoir quitter une maison.

Il s’agit de créer un chez soi avec ceux avec qui vous vivez. De l’hébergement provisoire au domicile temporaire. C’est dans les yeux et les bras de l’autre que s’insinue le sentiment d’être chez soi, comme une fleur sauvage qui pousserait partout. Et on peut se réjouir de voir toutes ces mains tendues et d’avoir une bonne assurance.

Quelle chance !

Dans l’ensemble, je suis chez moi à Bruxelles. Les rues sont mes rues. Le chaos est mon chaos. Je suis habitué à eux. J’aimais déjà la ville avant, l’amour pour « la » femme l’a renforcé. Quand j’entends, par exemple la veille, que les manifestants du « convoi de la liberté » seront menés au parking C du Heysel, je sais que je n’en croiserai aucun lorsque j’irai à la boulangerie, ou que j’emmènerai les enfants à l’école. Non pas que je ne leur souhaite pas une « bonne liberté », ce n’est pas la question. Non, tout se passe comme ça, dans cette ville, et pendant ce temps-là, moi je vais d’un endroit à l’autre à vélo sans y penser une seconde. Même si j’admets que c’était très drôle, ce convoi de camping-cars. Ils sont déjà partis, au fait ?

Enfin, soit. Si vous n’habitez pas à Bruxelles et que vous devez venir en ville en voiture, vous stressez déjà trois jours à l’avance. C’est une sorte de mal nécessaire. Venir à Bruxelles. Pour moi, c’est être à la maison. Noodzakelijk Kwaad, c’est aussi ma maison. Faire de la musique. De nouveaux morceaux. Et puis se retrouver encore chez soi, sur scène, dès que résonnent les premiers roulements de batterie de Frank Pay, la guitare de Teuk Henri retentit, et c’est parti. Et quand Jef Mercelis ouvre ensuite son Korg, qu’il y pose sa voix en or, intégrer un poème dans cet ensemble, être dans son élément, frissons garantis.
C’est si bon, si bon d’être à la maison.

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