Andrej Vasilenko

| Respublika de Lukasz Twarkowski

Critique théâtre: voyage au bout de la rave party au Kunstenfestivaldesarts

Gilles Bechet
24/05/2024

Expérimenter la rave comme un projet de vie et comme un ciment mental et physique d'une micro société, c'est à quoi nous invite le metteur en scène polonais au Kunstenfestivaldesarts Łukasz Twarkowski, dans une expérience théâtrale inclassable.

En écartant le filet de perles, on peut entrer ici, dans un salon et s'asseoir dans un sofa, là dans une salle à manger-cuisine, se déhancher dans une micro-discothèque ou même prendre un sauna ou une douche. Le battement sourd que l'on entend n'est pas l'amplification de nos battements de cœur mais celui de la musique électronique.

Ce décor intriguant installé dans la grande halle des Halles de Schaerbeek reproduit les installations rudimentaires dans lesquelles ont vécu Łukasz Twarkowski et la troupe du Lithuanian National Drama Theatre au cours d'une retraite d'une année dans les bois en Lituanie.

C'était pour eux un projet politique, économique et une expérience de vie partagée. Deux idées fortes sous-tendaient ce projet, d'abord celle d'un revenu universel qui déchargeait chacune et chacun de l'obligation de travailler au profit d'une liberté retrouvée et choisie. La seconde, c'est la culture rave qui implique aussi la création d'une zone autonome temporaire où l'on expérimente la liberté totale et qui peut être vue comme un acte politique.

Entre cinéma, art plastique, performance et théâtre, cette proposition brise les codes en explorant la mise en forme d'une utopie

Le spectacle Respublika est un partage et une mise en abyme de cette expérience. Entre cinéma, art plastique, performance et théâtre, cette proposition brise les codes en explorant la mise en forme d'une utopie. Sur les écrans géants au fond de la salle un montage serré des quelques 50 heures des images filmées au cours de cette retraite. Des images qui reprennent les codes confessionnels de la télé-réalité, mais qui ne sont peut-être pas aussi réelles qu'elles n'y paraissent parce qu'on est dans le mockumentaire.

On ne sait pas trop si les acteurs parlent pour eux-mêmes ou pour leur personnage. Et là où ça devient vraiment troublant, c'est que certaines séquences ont été tournées lors de la retraite dans les bois de Lituanie, alors que d'autres sont rejouées en direct par les actrices et acteurs dans les installations qu'elles et ils partagent avec les spectatrices et spectateurs.

Et l'on passe de l'un à l'autre sans distinction. Respublika n'est pas un réquisitoire ou un mode d'emploi de l'utopie mais une expérience de la réalité qui n'est que ce qu'on en fait. Quand l'utopie doit rendre des comptes au réel, elle ne le fait pas sans son lot de tensions, de frictions et d'émotions négatives. Pour cette micro-société isolée au fond des bois, il y avait la pratique quotidienne comme un gymnastique mentale, physique et partagée.

À la fin du spectacle, les décors se dissolvent, les comédiens se noient dans la foule et il ne reste plus que que les lumières, la fumée et le beat inlassable comme un battement de cœur amplifié. La musique a pris le contrôle des sens et des émotions.

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