« Takoyaki » signifie boulette de poulpe en japonais, et c’est ainsi qu’on qualifie les gros orteils dans la famille japonaise d’Aili Maruyama. Nandakke?, le premier album électro-pop du duo Aili (anciennement Aili x Transistorcake), reprend en japonais ce genre d’anecdotes aussi hilarantes que personnelles. « La musique pop ne doit pas toujours être en anglais. »
Chanté en japonais sur le ton de la plaisanterie, l’EP Dansu a connu un succès inattendu à la fin de l’année 2020, en pleine pandémie, mais c’était il y a plus de trois ans maintenant. Quelques singles et clips ont suivi, y compris des diffusions en Amérique, un passage dans la série télévisée flamande Roomies et des concerts intimistes au Japon, le pays d’origine d’Aili Maruyama.
C’est beaucoup plus qu’espéré, mais est-ce assez pour enthousiasmer le public ? L’artiste belgo-japonaise s’interroge à haute voix alors qu’elle revient avec Orson Wouters sur leur parcours rocambolesque au centre musical bruxellois Volta, où ils se sentent comme chez eux. Après avoir débuté en tant qu’Aili x Transistorcake, ils ont poursuivi sous le nom d’Aili, également le prénom de la jeune fille qui est revenue en Belgique à l’âge de sept ans avec sa sœur et sa mère flamande, alors tout juste séparée de son père japonais resté à Tokyo.
Excitant ?
AILI MARUYAMA: Oui, et aussi un peu stressant ! Quand ‘Dansu’ est sorti, la musique était encore un hobby. On se voyait en moyenne une fois par semaine pour composer de nouvelles chansons. Nous avons passé un an à peaufiner ce nouvel album. J’ai dû quitter mon boulot ! Beaucoup de choses dépendent donc de cette sortie.
ORSON WOUTERS: Nous sommes surtout impatients. En tant que musicien indépendant, j’ai investi des heures dans ce projet sans pouvoir rien facturer. C’est donc un sacré pari, très excitant en effet.
Le plus grand défi a peut-être été de transformer ce que certains considéraient au départ comme un gimmick en quelque chose d’ancré ?
MARUYAMA: Oui, je comprends ce que vous voulez dire. Mais sérieusement, ce n’est pas une blague ! Même si la spontanéité et l’humour restent essentiels.
WOUTERS: La musique pop ne doit pas toujours être en anglais non plus. Les gens ne ressentent plus l’envie d’entendre un énième groupe américain. Les jeunes générations, en particulier, font preuve d’une plus grande ouverture. Regardez la popularité de la musique en espagnol ou de la K-pop aujourd’hui.
MARUYAMA: J’ai toujours aimé chanter, mais avant, je ne le faisais que dans ma chambre. Le fait que je chante en japonais n’est pas un hasard, mais ce n’est pas non plus calculé. Je l’ai fait une fois et j’ai continué à le faire après. (À Orson) Est-ce qu’on s’est déjà posé la question ?
WOUTERS: Peut-être brièvement, mais ça faisait déjà tellement partie de notre identité...
'Ma famille japonaise était très heureuse que je commence à découvrir et à explorer cette partie de ma personnalité'
À quel point êtes-vous japonisé, Orson, et qu’est-ce que ça vous a fait de jouer au Japon, Aili ?
WOUTERS: On s’est dit que ce serait vraiment cool de pouvoir jouer un jour au Japon, et avant de s’en rendre compte, c’était déjà fait. C’est dingue ! Pour moi, ce n’était pas un choc culturel. J’étais déjà allé à Taïwan et en Chine. Le pays correspond bien à mon caractère. J’aime le désir de cohésion, la rigueur avec laquelle les choses sont faites et le respect des gens les uns envers les autres. De retour en Belgique, j’ai plus que jamais pris conscience de notre côté parfois chaotique et rustre ici. Chacun se croit l’exception à la règle.
MARUYAMA: Ma famille japonaise était bien sûr très heureuse que je commence à découvrir et à explorer cette partie de ma personnalité. La première fois que j’ai joué en live, c’était bizarre. C’était encore avec les masques et mon père a tout filmé. Mon père et ma grand-mère sont venus me voir à Tokyo et à Nagoya, mais j’ai été plus que ravie de voir des gens de tous âges. Je me souviens d’une femme qui est venue me demander un autographe pour sa fille de six ans.
Avez-vous un morceau préféré ?
WOUTERS: Ça varie d’un jour à l’autre, mais aujourd’hui, c’est ‘Ichibansen’, qui est un peu plus calme.
MARUYAMA: Cool ! C’est la chanson la plus personnelle de l’album. J’y parle de l’envie que l’on ressent, en tant qu’enfant de divorcés, d’accorder la même attention à ses deux parents. Mais dans mon cas, évidemment, avec un père qui est à 12 heures d’avion, c’était pas facile. Je ne lui ai pas encore envoyé le résultat, mais émotionnellement, il va l’entendre à fond. J’ai aussi intégré sa voix, que j’avais enregistrée lors de nos nombreuses conversations à la table de sa cuisine. D’ailleurs, ma chanson préférée est ‘Up & Down’.
WOUTERS: Notre chanson sportive ! On s’est bien marrés en la faisant : on a augmenté le tempo jusqu’à ce que l’on ne puisse plus accélérer.
MARUYAMA: On était survoltés. Après l’enregistrement, on était cramés. Vous pouvez imaginer à quel point on est impatients de jouer ce morceau en live.
Charlotte Adigéry et Bolis Pupul, proches de vous par l’esprit et le genre, accompagnent leur œuvre d’un engagement social. C’est aussi votre truc ?
WOUTERS: On ne le fait pas délibérément, ou pas encore. C’est un choix. Notre musique n’est pas là pour soulever des questions. C’est un safe space et un exutoire où le principal est de s’amuser.
MARUYAMA: Nous avons beaucoup de respect pour ce que font Charlotte et Boris (Zeebroek, NDLR). D’une certaine façon, nous joignons nos expériences, comme eux. Il s’agirait alors plutôt de mon autre vie, de mon demi-être et de ma lutte avec la langue.
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