Le 77, la bonne adresse

Nicolas Alsteen
© BRUZZ
14/02/2018

| 1603 Le 77 cover

Nouveau phénomène du rap bruxellois, Le 77 rassemble quatre gars sous un même toit. Depuis Laeken, les colocataires suivent la route tracée par l’ami Roméo Elvis. Entre hip-hop décapant et humour délirant, le groupe le plus intrigant du moment signe Bawlers, un album qui en a dans le pantalon.

Depuis quelques mois, le rap bruxellois fait la loi. De Paris à Montréal, la sphère hip-hop vante les mérites d’Isha, Damso, Caballero & JeanJass ou du flamboyant Roméo Elvis. Apparu dans son sillage - époque L’Or Du Commun -, Le 77 ajoute un grain de folie à l’équation. Réunis dans une même maison, les garçons enregistrent Bawlers, un disque de rap dopé au second degré. Drôles, impertinents, mais jamais méchants, les rappeurs les plus divertissants du game chantent Bruxelles en capitale.

Loin de la politique et des débats communautaires, Le 77 sert un melting-pot d’influences musicales et rassemble au-delà des frontières linguistiques. Un DJ (Morgan), deux emcees (Peet et Félé Flingue) et un manager (Rayan): la fine équipe est au complet pour animer une rencontre sans langue de bois.

Sur scène, Le 77 se présente sous la forme d’un trio. Pourtant, officiellement, vous êtes quatre. Mauvais calcul ?
Félé Flingue: Le compte est bon. Depuis août 2015, nous habitons à quatre dans la même maison. Le groupe s’est formé le jour de la signature du bail de location. Le 77, c’est deux emcees, un DJ et un manager, Rayan. Sa part de travail est tellement importante qu’il nous semble logique de l’associer à l’équipe. Nous rationalisons toutes les forces en présence. C’est notre côté communiste. Blague à part, ce projet est d’abord une histoire d’amitié. Sans cette relation, Le 77 n’existerait pas.

Du côté de Laeken, votre maison porte le numéro 77. Le nom du groupe vient de là. Vous ne comptez pas changer d’adresse?
Morgan: Aucun déménagement n’est à l’ordre du jour. Nous sommes vraiment bien là-bas, tranquilles. Chacun possède sa chambre, son intimité.

Pour composer, vous rassemblez toutes vos idées dans le salon?
Morgan: Notre salon, c’est un coin de détente. Chez nous, tout se passe dans la cave. Où nous avons aménagé notre studio d’enregistrement. Généralement, Peet et moi amenons des productions et, en fonction du feeling et des textes de Félé Flingue, on sélectionne l’un ou l’autre son. Ceci dit, notre démarche est spontanée. Nous ne sommes pas du genre à suivre un plan d’action.

Avec Le 77, nous voulons offrir du rêve. Rien d'autre.

Félé Flingue

Peut-on considérer votre humour comme une marque de fabrique ?
Peet: Cette touche est propre à Félé Flingue. Après deux ans de vie commune, nous partageons une vision beaucoup plus divertissante du quotidien. Avec Le 77, la vie est un pur plaisir. L’idée, ça reste clairement de s’amuser.

Félé Flingue: Notre démarche se situe quelque part entre le rap et le théâtre. Pour ça, nous admirons des artistes comme Tyler, the Creator ou Stromae. Nous essayons de transmettre notre second degré à travers nos clips. Sur scène aussi, nous cherchons à distrairele public. Aller voir un concert où les gens s’ennuient, c’est un cauchemar.Avec Le 77, nous voulons offrir du rêve. Rien d’autre.

Sur l’album, vous partagez le morceau Bawlerangers avec Blu Samu et Zwangere Guy, deux étoiles montantes de la culture urbaine flamande. En tant que groupe francophone, Le 77 semble porteur d’un message fort pour la communauté bruxelloise. C’est voulu?
Morgan: C’est un mouvement naturel. Nous avons rencontré Blu Samu après un concert à Anvers. Entre nous, le courant est passé directement. Quelques semaines plus tard, elle est venue s’installer à Bruxelles. Zwangere Guy vient du groupe de rap bruxellois Stikstof. Nous avons fait sa connaissance via Félé Flingue. Aujourd’hui, c’est un pote. Le titre Bawlerangers tient à ces relations humaines. Ce sont des amitiés artistiques.

Félé Flingue: Dans notre esprit, Bruxelles est la capitale de la Belgique. C’est un endroit où l’on parle néerlandais ou français. C’est une ville à double identité. Nous n’avons rien inventé. C’est juste la réalité. Derrière notre collaboration avec Blu Samu et Zwangere Guy, il y a l’image d’une ville ouverte d’esprit: un endroit où il fait bon vivre. Au-delà de ta langue ou de ta couleur de peau.

Peet: Aujourd’hui, dans le rap, la langue chantée n’est plus un frein à l’exportation.Si l’énergie est là, que le flow est bon, tu peux t’imposer partout. Au Guatemala ou au Canada. En Flandre ou en Wallonie. Quand un groupe dégage quelque chose sur scène, le public le sent immédiatement.

Dans Ipop, vous faites un beau doigt d’honneur à la politique. Est-ce un morceau engagé?
Félé Flingue: Ce titre est à la fois enragé et engagé. Dans les paroles, il n’y a aucun marqueur temporel. Nous pourrons encore jouer Ipop dans dix ans, le thème abordé sera toujours d’actualité. Cette chanson parle d’un rejet de la politique. Elle véhicule un sentiment partagé par de nombreux jeunes: la politique est un système opaque. C’était le cas il y a vingt ans. C’est le cas aujourd’hui et ça le sera sans doute encore demain.

Morgan: La politique nous paraît obsolète. Mais, honnêtement, on n’y connaît rien. Pour notre génération, la politique, c’est du chinois, voire une langue qui n’existe pas.

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Avec un morceau comme celui-là, avez-vous l’impression de franchir un interdit?
Félé Flingue: Absolument pas. Avec Le 77, nous sommes libres de tout faire. Il n’y a aucune interdiction. Musicalement, c’est vrai aussi. On peut s’attaquer à de la musique classique ou country. Dans tous les cas, ce sera Le 77.

Votre album s’intitule Bawlers. Quelle est la signification de ce mot?
Félé Flingue: Bawler est un terme inspiré par la culture urbaine américaine. En gros, c’est un mec qui a des couilles. Pour nous, c’est une marque de respect. Dans notre esprit, il s’agit de quelqu’un qui s’accepte tel qu’il est, même s’il paraît ridicule aux yeux des autres.

Sur votre disque, Roméo Elvis prête sa voix à La Sape. L’avoir à vos côtés sur un morceau, c’est une force artistique ou un atout stratégique?
Félé Flingue: Cette collaboration englobe une connexion amicale et un axe plus commercial. En 2018, c’est ultra-cool d’avoir le soutien de Roméo Elvis. Après, c’est notre ami. Il est à la fois génial et complètement fou. Nous sommes admiratifs de son parcours… Roméo est un entrepreneur doté d’une solide vision artistique.

Je pense que nous partageons un délire qui remonte aux débuts de L’Or Du Commun. Nous avons travaillé ensemble dans ce groupe et nous l’avons quitté plus ou moins au même moment. De cette période, nous avons conservé une bonne dose de fantaisie et un certain esprit de camaraderie.

Morgan: Quand nous avons enregistré ce titre avec Roméo, il sortait à peine de l’ombre avec le premier épisode de Morale. À l’époque, les gens commençaient seulement à entendre parler de lui en Belgique. La Sape découle d’une relation de confiance. Roméo nous connaît, il n ous apprécie. C’est réciproque.

Sur Bawlers, il y a un clin d’œil à l’équipementier sportif Helly Hansen. C’est votre marque préférée?
Peet: Nous adorons leurs vestes, surtout les anciennes. À chaque fois que nous pénétrons dans une friperie, c’est au premier qui trouve sa Helly Hansen. C’est notre délire. Depuis que nous avons écrit un morceau là-dessus, c’est encore pire. La veste peut être vraiment moche, si elle porte l’étiquette Helly Hansen, on va la trouver belle.

Votre musique est infusée de soul et de G-funk. Ce sont des références revendiquées?
Félé Flingue: Totalement. Je suis très attaché aux sonorités G-funk. En soul, nous sommes tous de grands fans de D’Angelo. Dans le rap, nous apprécions les groupes qui s’écartent volontairement des clichés. OutKast, côté américain, ou Hocus Pocus, côté français, sont deux bons exemples de ce hip-hop tout-terrain.

Morgan: Avec Le 77, nous sommes curieux de tout. Notre culture musicale passe par la soul, le funk, le jazz. Les musiques africaines aussi. De Fela Kuti à Osibisa. Pour l’instant, nous écoutons beaucoup de disques brésiliens, des trucs associés à la bossa-nova et au tropicalisme. Et puis, on kiffe les crooners. Les voix de Nat King Cole, Frank Sinatra ou Tony Bennett nous font triper. Grave.

> Le 77. C12. Bruxelles. 22/2, 20u

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