Une scène de 'Inconditionnelles' de Dorothée Munyaneza.

Critique théâtre : Dorothée Munyaneza chorégraphie la chanson de la rédemption

Gilles Bechet
29/01/2025

Adaptée d’une pièce à la langue puissante de l’artiste britannique Kae Tempest, la première mise en scène de la musicienne, autrice et chorégraphe rwando-britannique Dorothée Munyaneza célèbre la force du lien et de la sororité. On déplore peut-être la retenue des actrices au service du texte.

C’est la prison, mais on ne la voit pas. Quatre femmes, trois détenues et leur gardienne, partagent leur ennui, leur sentiment d’injustice et leur envie de dehors. Inconditionnelles est l’adaptation en français de la pièce Hopelessly Devoted de la Britannique Kae Tempest par la musicienne, autrice et chorégraphe Dorothée Munyaneza.

En contraste avec la dureté de l’univers carcéral, la mise en scène joue subtilement avec les lumières, les couleurs et quelques indications abstraites au plateau, pour faire ressentir l’enfermement mental de Serena, Chess et Silver. En réaction à la violence et au déclassement, les trois femmes découvrent la force du lien et de la sororité.

Entre spoken word et slam, le texte transpose le vécu des détenues dans une langue qui mêle l’argot aux tournures plus poétiques. Les comédiennes Bwanga Pilipili, aux côtés de Sondos Belhassen, Grace Seri et Davide-Christelle Sanvee, adoptent une déconcertante retenue, semblant se mettre en retrait – peut-être trop – au service de l’écriture.

Attentive à la musicalité des corps autant qu’à celle des mots, Dorothée Munyaneza habite sa mise en scène de mouvements chorégraphiés.

Amour à distance

Coupées du monde et lassées des hommes, Serena et Chess s’investissent dans le lien entre elles et, pour Chess, dans l’amour à distance pour sa fille Kayla qui est dans le monde du dehors. L’histoire bascule quand Serena, bénéficiant d’une liberté conditionnelle, laisse Chess en tête-à-tête avec elle-même. Déjà privée de sa fille, elle perd son âme sœur, et c’est dans la musique et la chanson qu’elle combat son mal-être.

C’est dans les ateliers encadrés par Silver, ancienne productrice et junkie en rémission, que Chess accouche d’une chanson qui se construit couche par couche, intégrant sa respiration, les sons de la prison et son amour pour sa fille dans une rédemption musicale, le seul conte de fées à sa disposition.

Ce qui a commencé par un enfer abstrait peuplé d’âmes à la dérive évolue, prend soudainement vie, porté par la performance musicale habitée de Grace Seri.

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