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Saskia Vanderstichele

Dagboek sekswerker

La Morrigasme: 'Thérapeutes en string'

La Morrigasme
© BRUZZ
06/06/2025
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'Nous ne sommes ni psychologues, ni psychiatres, ni assistant·es sociaux, ni infirmier·es, ni médecin, et pourtant, certains hommes nous voient dans ce rôle.' C'est ce qu'écrit La Morrigasme, travailleuse du sexe, dans une nouvelle chronique pour BRUZZ.

Entre strippeur·euses, nous nous disons souvent que nous sommes des « thérapeutes en string » car nous sommes les confident·es de nos clients.

Pourtant, consulter un·e psychologue ce n'est pas « juste parler », c'est effectuer un travail sur le long-terme accompagné·e d'un·e professionnel·le formé·e pour ce suivi. Or, en tant que strippeur·euses, nous ne sommes ni psychologues, ni psychiatres, ni assistant·es sociaux, ni infirmier·es, ni médecin... et donc nous n'avons aucune formation à cet égard. Je suis littéralement juste une nana en string à qui des inconnus se confient.

Alors bien sûr, la plupart du temps, le niveau de conversation avoisine celui que vous pourriez avoir avec votre coiffeur·euse. Cependant, il arrive également que je sois confronté à des hommes en détresse mentale extrême. J'observe les hommes boire leurs émotions puis les vomir, au figuré, sur nos genoux. Incapacité d'adresser leurs souffrances. Incapacité à se prendre en main. Incapacité à demander de l'aide. Alors ils se vident, de temps à autre, auprès d'une courtisane qui pansera temporairement leur plaie avec du réconfort tarifé plutôt que de faire face à un avis médical et d'amorcer un travail sur eux-mêmes.

Je suis littéralement juste une nana en string à qui des inconnus se confient

Ces hommes ne veulent pas que nous les aidions. Ils veulent nous prendre à partie dans leur auto-destruction et surtout, attendre de nous que nous les distrayons d'eux-mêmes, quitte à nous entraîner avec eux dans les limbes.

J'ai déjà quitté un club à l'aube, vidée. Vidée de toute énergie, de toute émotion et de toute force de vie parce que j'avais dû pendant huit heures d'affilée surveiller l'un de mes clients réguliers qui faisait du chantage au suicide toute la nuit durant et je ne pouvais rien faire d'autre que le voir s'enfoncer dans l'alcool jusqu'à la limite du coma. Je n'avais même plus la force de pleurer. Il m'avait usée jusqu'à la moelle.

En tant que danseuse, je n'ai aucune autorité sur mes clients pour les faire interner en désintox ou aux urgences psychiatriques. Ce n'est ni mon autorité ni mon rôle.

Par acte d'auto-préservation, je dois m'insurger. C'est injuste ! Oui, c'est injuste de venir vomir tout son mal-être sur mes genoux, réclamer ma compassion puis s'en aller plus léger sans se soucier de l'impact que cela a sur ma psyché d'être leur défouloir émotionnel. Pourquoi devraient-ils s'en soucier ? Ils me paient pour ça, non ?

Et pourtant, je n'arrive pas à être en colère contre eux, précisément. Je suis en colère contre ce système qui exige que les hommes enfouissent leurs émotions pour être soi-disant « fort ». Personne n'est dupe. Ces émotions refoulées, moi je les vois rejaillir dans la nuit, dans l'alcool, dans la drogue, dans la colère (la seule émotion jugée assez « virile » pour leur être autorisée) et dans l'auto-apitoiement.

Si j'écris ces lignes ici, c'est parce que ce schéma n'est pas réservé aux stripclubs. Dans ma vie civile également j'en ai croisé des hommes qui, au lieu de faire un travail sur eux-mêmes, se reposent sur les femmes de leur entourage pour prendre en charge tout le travail émotionnel.

En attendant, pour survivre je dois me construire une carapace. À mes yeux, c'est la pire des violences que me font vivre les clients. C'est même pire que les agressions physiques. Car ils me forcent à devenir une version déshumanisée de moi-même. Ils me privent de qui je suis. Lorsque je sens que je commence à ne plus éprouver aucune empathie dans mon métier, je me force à arrêter, à prendre une pause de plusieurs mois, afin de récupérer mon humanité et de ne pas me laisser happer par leurs abysses.

Column La Morrigasme

De erotische performer, paaldansdocent en domina La Morrigasme deelt om de twee weken een dagboekfragment. Daarin deelt die gedachten die voortkomen uit hun omzwervingen in de wereld van sekswerk.